
Il va sans dire que depuis longtemps dans nos écoles, le succès des initiatives d’amélioration du rendement des élèves et de la transformation des pratiques pédagogiques repose très souvent dans le travail collaboratif qui se fait dans les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP). D’ailleurs, la popularité de cette façon de faire a pris son envolée en 2005, l’année durant laquelle les auteurs Richard DuFour et Robert Eaker ont publié le livre Professional Learning Communities at Work: Best Practices for Enhancing Student Achievement.
Comment la direction d’école peut-elle appuyer la CAP, sans que le processus devienne dépendant de sa présence, tout en bâtissant la capacité de chaque membre de l’équipe ? Voici l’approche que je préconise: la CAP en 4 étapes: avant, pendant, entre, et après.

Tout comme le coureur doit chausser ses espadrilles, faire des étirements, ainsi que du self-talk positif avant une course, nous devons bien nous préparer avant de convoquer les gens pour la première rencontre CAP. Et c’est à la direction d’école de s’assurer que le terrain a été bien labouré afin que la semence puisse bien prendre. Voici quelques questions qui peuvent orienter le leader et son équipe:
- Quel(s) objectif(s) du plan d’amélioration de l’école cette CAP va-t-elle cibler (priorités) ?
- Qui seront les membres du regroupement CAP ? (Enseignant.es titulaires, direction, direction adjointe, enseignant.e-ressource, intervenant.e, chargé.e de programme, etc.) Est-ce qu’on prévoit des membres intermittents ? (CP du conseil, direction du service pédagogique au conseil, un partenaire de la communauté, etc.)
- Quelle sera la durée ? (l’année scolaire entière, 1 semestre, etc.)
- Quelles données de départ pourrais-je utiliser ? (bulletins, évaluations provinciales, tâches diagnostiques, travaux des élèves, etc.)
- Que veut-on documenter ? Comment allons-nous documenter notre travail et les progrès dans un endroit accessible par tous? Plateforme collaborative ?
La direction et son équipe doivent réfléchir avant d’agir. Ces questions peuvent être partagées au préalable avec chaque membre de la CAP afin de susciter la réflexion et générer des idées – de faire embarquer le petit hamster dans la roue. En autres mots, c’est une excellente façon d’amorcer le processus d’amélioration.

Un processus que j’apprécie beaucoup et que j’ai adopté pour la CAP est le CASA: Cycle d’amélioration systémique et d’apprentissage:
Je me sers de ce visuel comme boussole pour le processus. C’est un rappel quant aux étapes essentielles à franchir à l’intérieur d’un cycle d’apprentissage. De plus, dans un tel processus, il est important de planifier des temps d’arrêt afin de faire l’état des lieux: là où nous en sommes, là où nous devons apporter des changements, et là où nous devons aller. Remarquez que l’étape “avant la rencontre” se situe dans le cadran gauche supérieur. N’oubliez pas qu’il est essentiel de documenter toute réflexion et planification dans un endroit accessible et collaboratif.

À mon avis, le succès d’une équipe dépend beaucoup sur l’habileté de communication de chaque membre, et ce, autant qualitativement que quantitativement. Il est vrai que la fréquence de communication est importante afin de permettre à tous d’être sur la même page, tout en évitant la surcommunication ou la sous-communication. Cependant, pendant la rencontre en particulier, il est important de communiquer “les vraies choses”. Votre équipe est-elle en mesure d’entretenir des conversations honnêtes et courageuses ? Pour ce faire, il faut avoir investi dans nos relations, avoir bâti la confiance. De plus, ces conversations nous encouragent de nous engager d’une façon authentique, d’éliminer le bruit de fond et viser ce qui compte, ce qui est dans notre sphère d’influence. Finalement, les conversations honnêtes et courageuses ouvrent la porte à la collaboration, pour s’encourager, pour s’appuyer, pour se pousser. Cette vidéo me fait penser (d’une façon ludique) à ce dernier point:
Une fois que la culture de l’équipe (culture de confiance et de relations positives) est bien encrée, nous sommes beaucoup plus en mesure d’avancer et d’aborder ensemble les éléments tels que:
- déterminer les objectifs SMART ou théories d’action
- cibler les attentes et développer des critères
- faire les liens avec le plan d’amélioration de l’école (PAÉ)
- l’analyse de données (systémiques, travaux d’élèves, sondages, etc.)
- outils de monitorage
- évaluations diagnostiques, formatives
- plateforme(s) à privilégier pour la documentation, le partage, et la communication
- dates des rencontres au calendrier…
Remarquez ici que nous touchons à tous les cadrans du CASA:

Le PENDANT de la CAP est un temps pour réfléchir, analyser, et planifier les prochaines étapes.

Le PENDANT de la CAP est un temps privilégié pour collaborer. Toutefois, c’est ENTRE les rencontres que nous passons à l’action avec nos élèves: nous entamons des parcours ou enquêtes, nous vivons des activités, nous faisons le monitorage des apprentissages des élèves. La documentation pédagogique se place donc au premier plan afin de recueillir les preuves d’apprentissage selon nos intentions d’évaluation (voir le document Faire croître le succès).
À mon humble avis, la plus importante des intentions est l’évaluation au service de l’apprentissage:
« L’évaluation au service de l’apprentissage vise à recueillir et à interpréter les preuves d’apprentissage afin de permettre tant au personnel enseignant qu’à l’élève de déterminer l’apprentissage ciblé, d’établir où l’élève se situe dans son apprentissage, et déterminer ce qui doit être fait pour y arriver. » (Assessment Reform Group, 2002,
p. 2, traduction libre) – Faire croître le succès, p. 39.
La CAP peut avoir recours à deux types d’évaluation selon cette intention: l’évaluation diagnostique, et l’évaluation formative:
“L’évaluation diagnostique est utilisée au début de la période d’enseignement afin de déterminer le niveau de préparation de l’élève par rapport à de nouvelles connaissances et habiletés et pour déterminer ses champs d’intérêt et ses préférences en matière d’apprentissage.
L’évaluation formative utilisée fréquemment et d’une manière continue durant l’enseignement pendant que l’élève acquiert des connaissances et développe ses habiletés.” – Faire croître le succès, p. 39.
Nous pouvons recueillir les preuves d’apprentissage de trois différentes façons: des conversations, des observations, et des productions. C’est ce qu’on nomme la triangulation en évaluation.
Cette approche nous permet de différencier la façon de documenter les apprentissages des élèves, selon leurs forces et préférences. Elle donne aux élèves des options (La voix des élèves). La triangulation peut nous fournir un portrait beaucoup plus précis du profil de chacun de nos élèves quant à l’acquisition des nouvelles connaissances et habiletés.
Une fois que nous avons documenté les preuves d’apprentissage, il est essentiel de fournir de la rétroaction descriptive aux élèves afin de leur fournir des pistes d’amélioration. Pour que cette rétroaction soit efficace, elle doit être fournie tout au long de l’apprentissage, et non pas seulement à l’étape finale d’un apprentissage. De plus, elle doit contenir l’information nécessaire afin que l’élève puisse s’améliorer. Il faut donc éviter d’utiliser les commentaires du type “Très bien”, “Excellent”, “Tu peux faire mieux”, “Bon effort” car ils ne fournissent aucune piste à l’élève. Voici quelques astuces pour assurer une bonne rétroaction:
- Rétroaction précise, efficace, et priorisée
- “Approche sandwich”: débuter avec une force, suivi des pistes d’amélioration, et terminer par un commentaire positif
- Être opportun
- Offrir du soutien
APRÈS LES RENCONTRES
Suite au parcours ou à l’enquête, la question la plus importante à se poser est la suivante: qu’allons-nous faire pour les élèves qui n’ont pas atteint le résultat visé ? Trop souvent l’habitude est-elle de tout simplement poursuivre avec la prochaine section, la prochaine unité, le prochain chapitre. Avez-vous déjà entendu dire quelque chose de semblable à ceci:
“L’évaluation de l’unité est terminée: nous devons maintenant aller de l’avant, même si certains élèves n’ont pas réussi à démontrer qu’ils ont acquis les connaissances et habiletés.”
Ça fait réfléchir: sommes-nous là pour l’apprentissage des élèves, ou pour “couvrir” un curriculum ?

Lors d’un atelier, nous avions demandé aux participants de dresser un tableau et d’y ajouter les actions à prendre lors des différentes étapes de la mise en oeuvre de la CAP. Je termine ce billet en vous partageant le tableau d’un groupe de participants, ainsi que quelques ressources.

Ressources pour la CAP: